Parcours de politologue #4 Jérôme Nossent



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« Parcours de politologue » part à la découverte de politologue de l’ULiège. Pour ce quatrième épisode, Jérôme Nossent, membre de l’Institut de la décision publique depuis 2014 nous livre son regard sur son parcours.

Jérôme, pourquoi as-tu décidé d'étudier la science politique ?

Jérôme Nossent : Alors, il faut savoir que je n’ai pas commencé mes études supérieures par la science politique. À l'issue du secondaire, je ne savais pas vers quoi me diriger. J'avais commencé par étudier les langues germaniques (anglais-allemand) pour avoir un bagage linguistique. Durant cette première année-là, je savais déjà que je n’allais pas continuer. Je me suis alors intéressé un peu à d'autres filières et j'ai découvert le droit, dont je n'avais eu aucune approche dans mes études secondaires, et par ricochet la politique et la science politique, avec laquelle j'avais quelques affinités au niveau des concepts, de l'esprit. Je me suis dirigé vers la science politique en me disant que ça pouvait être utile d’étudier cet entremêlement de sociologie, de droit, d’Histoires, bref, que des choses intéressantes.

Durant tes études à Liège, qu’as-tu le plus apprécié ?

Jérôme Nossent : La taille restreinte des groupes. Passé la deuxième année de bachelier et arrivé en master, on était vraiment des petits groupes où tout le monde se connaissait et connaissait les Professeurs. La taille du département, c'est appréciable, c'est agréable de retrouver les mêmes têtes d'une année à l'autre et qu'elles soient capables de vous reconnaître.

Comment es-tu arrivé à l’Université ?

Jérôme Nossent : C'était dans l'air du temps, notamment dans l’établissement scolaire que je fréquentais en secondaire (le collège Saint-François Xavier à Verviers). S’il n’y avait pas d’incitation spécifique à aller à l'Université, ça faisait partie du parcours de l'étudiant. Avec le soutien de mes parents, tout en étant assez indécis lors de mon choix d’études supérieures, j’ai choisi l’Université la plus proche géographiquement, et me voilà donc à Liège.

Qu’est-ce que la science politique peut apporter à la société ?

Jérôme Nossent : Une manière de comprendre certains évènements, une manière de décrypter, d'avoir les outils pour comprendre certains phénomènes sociaux, politiques ou sociologiques. Dans le cadre de mes recherches, je vois bien que les approches juridiques, les approches sociologiques et les approches politologiques d'un même phénomène ne renvoient pas nécessairement aux mêmes concepts, aux mêmes observations ni aux mêmes conclusions. Cette possibilité de pouvoir varier les perspectives me semble donc essentielle.

Pourquoi conseillerais-tu aux jeunes d'étudier les sciences politiques ?

Jérôme Nossent : Comme je l'ai dit, je crois qu'il y a pas mal d'outils, il y a toute une perspective et une méthodologie en sciences politiques qu'on ne retrouve pas nécessairement dans d'autres filières. Je vois bien quand je discute avec d'autres personnes qui n'ont pas nécessairement fait les sciences politiques et quand on parle d'actualité, il y a parfois ce manque de prise de recul. C'est aussi quelque chose qui m'a beaucoup marqué dans mes études et que je m'efforce d'appliquer encore au quotidien, c'est de toujours prendre du recul sur un événement et d’essayer de ne pas réagir à vif, de manière sanguine.

Si l’on se destine à étudier les sciences politiques, je crois qu'il faut aussi pouvoir le faire en ayant une perspective d’avenir, donc quelqu'un qui envisage une carrière dans l'administration publique, au niveau européen ou au niveau d'une organisation internationale, qui étaient les trois filières quand j’ai suivi mes études (et qui maintenant se sont étoffées, ndlr). C'est une voie intéressante si on se destine à ça dans son avenir.

Mais il ne faudrait pas non plus surdéterminer son engagement dans une filière particulière, il peut y avoir une sorte d'auto manipulation qui consiste, une fois qu'on s'est engagé dans une activité, à vouloir la mener à bien. C'est un conseil aux étudiants et futurs étudiants, peu importe leur filière, il ne faut pas avoir peur de lâcher prise à un moment donné, se poser, se dire que ce qu’on fait n’est pas fait pour soi ou au contraire avoir vraiment envie de le faire. Il ne faut pas toujours chercher à finir son assiette, au risque de l'indigestion.

Sur le choix des études

C'est un conseil aux étudiants et futurs étudiants, peu importe leur filière, il ne faut pas avoir peur de lâcher prise à un moment donné, se poser, se dire que ce qu’on fait n’est pas fait pour soi ou au contraire avoir vraiment envie de le faire.

Jérôme Nossent

Quels sont tes domaines de recherche au sein de l’UR Cité ?

Jérôme Nossent : Au sein de l’UR Cité et plus spécifiquement au sein des deux centres auxquels j'appartiens, le centre Démocratie et l'Institut de la décision publique, je me suis spécialisé dans le domaine des Memory Studies, des études mémorielles, tout en rejoignant d'autres champs de la science politique, notamment les Parlementary Studies et un petit peu de psychologie cognitive, ces derniers temps… Tout ça dans le cadre de ma recherche doctorale, laquelle est consacrée à la reconnaissance et à la défense du génocide arménien au sein des Parlements belges et français. La spécificité de cette recherche réside dans la focale sur les députés eux-mêmes, à titre individuel. C'est pour ça que ces trois disciplines m'intéressent parce qu'elles me permettent chacune d'explorer des aspects de cette recherche, elles sont à la fois inter-liées mais également autonomes.

As-tu une passion à laquelle tu donnes une portée politique ou sociale ?

Jérôme Nossent : Si on prend une définition large, tout est politique : tout est question de rapports de pouvoir internes ou externes. Donc a priori chacune de mes passions est politique. Parmi mes grandes passions, il y a la couture, et j’aime beaucoup chiner dans les brocantes, magasins de seconde main et ressourceries. Il y a évidemment un côté politique derrière cela, puisque l'idée est de pouvoir se contenter de l’usé, de pouvoir rafistoler, pouvoir utiliser ce qui a priori est un rebu du moment, même si la philosophie de ces différents lieux de vente consiste justement à ne pas le jeter et à pouvoir donner la possibilité de réutiliser. C'est assez positif de se dire que, malgré tout, dans une société matérialiste, les gens sont quand même prêts à se défaire des choses qui leur tiennent le moins à cœur. Cette idée de pouvoir réutiliser, recycler, « upcycler » fait partie de mes moteurs, mais ça reste avant tout une passion, le plaisir de pouvoir aller fouiller, de trouver le truc utile qu'il me faut exactement ou de trouver la perle rare, cet objet particulièrement kitsch, qui trônera fièrement sur ma cheminée pendant quelques mois, avant d'être offert à quelqu'un que j'apprécie particulièrement, parce que le bon goût se partage.

D’où te vient cette passion pour les brocantes ?

Jérôme Nossent : C’est héréditaire, mon père m’emmenait aux brocantes et m'a fait découvrir la possibilité d'acheter plus de livres pour la même somme pour peu qu'ils ne soient pas neufs. BDphile depuis ma plus tendre enfance, c'est grâce aux brocantes que j'ai pu constituer ma petite collection. Alors que de son côté, il est collectionneur compulsif de Mickey depuis une trentaine d’années, avec une collection de plusieurs centaines de figurines, collection qui se retrouve maintenant sur de nouveaux étales de brocantes puisqu’il est passé de l'autre côté du stand.

Quelle est la place de la couture dans ta vie ?

Jérôme Nossent : La couture, ça rejoint aussi cette première idée des brocantes, de donner une seconde vie initialement à des vêtements. A un moment donné de ma vie je me suis dit que j’avais des habits qui s’usaient et que je voulais pouvoir réparer.  Je suis autodidacte et donc j’ai appris à réparer moi-même mes habits, à faire moi-même mes rideaux, faire mes housses de coussins, faire mes nappes, tout cela me permettant d’adapter mes productions à mes besoins effectifs loin de la standardisation ordinaire.  Ici aussi il y a un côté héréditaire, j'ai un grand-père qui pratiquait la dentelle et le macramé. Donc j’ai eu de la chance d'avoir dans ma famille un homme qui pratiquait des activités manuelles ordinairement et socialement dévolues aux femmes et qui en avait conscience. Maintenant, je complète cette formation par des cours du soir qui me permettent de réaliser mes propres pièces d’habillement.

Quel est ton livre préféré ?

Jérôme Nossent : C'est plutôt une saga que l’on doit à Sir Terry Pratchett, auteur anglo-saxon qui nous a quitté il y a sept ans déjà. Dans cette saga d'heroic fantasy humoristique, qui s'appelle les Annales du disque-monde, il fait évoluer différents personnages, dans une époque que l’on pourrait situer au début de la Renaissance, dans un univers fantastique où la terre est un disque, porté par quatre éléphants, qui eux-mêmes sont posés sur une tortue. Au-delà du côté humoristique, j’aime beaucoup le style métaphorique et satirique de l'auteur qu’il utilise pour dénoncer certains travers, certaines habitudes ou comportements de nos contemporains, le tout transposé dans un univers médiéval-fantastique. Ça fourmille de jeux de mots, de références à des événements historiques, à des œuvres littéraires. Et la traduction française par Patrick Couton est une œuvre à part entière, tant elle s’efforce de conserver le potentiel de l’original tout en l’adaptant au public francophone. La lecture de l’original n’est donc pas une re-lecture, mais une nouvelle. Enfin, dès lors que Sir Pratchett n’écrira plus et qu’il reste donc un nombre fixe de ses œuvres que je n’ai pas encore lues, j’égrène la lecture de celles-ci au rythme d’une par an, pour faire durer le plaisir.

Que proposerais-tu comme réforme politique pour favoriser un sentiment de confiance plus important parmi les citoyens ?

Jérôme Nossent : Il faudrait d’abord déterminer ce qui suscite ce sentiment de défiance. Dans les événements récents, je regarde plutôt du côté français, le pantouflage de certains anciens ministres. Je pense notamment au ministre des transports qui voulait rejoindre l’armateur CMA CGM (depuis recalé par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique, ndlr). Je serais donc pour une interdiction du pantouflage ou au moins une nuance de cette pratique ultra-répandue. Je lance ça comme ça, un peu pris au dépourvu, parce que dans l'actualité récente c’est ce qui a fait le plus parler par rapport à la confiance des citoyens.

Aurais-tu une chanson avec une portée politique à nous conseiller ?

Jérôme Nossent : Tais-toi et creuse de l'album Country Club des Fatals Picards. C'est un groupe français qui est connu, paradoxalement, pour sa participation à l'Eurovision en 2005 où, vêtu de créations de Jean-Paul Gauthier, il représentait la France avec son hit L'amour à la française qui est une ode à l'amour en franglais. C’était un groupe plutôt parolier, avec des sketchs, mais qui depuis une quinzaine d’années offre des textes plus engagés, plus réflexifs.

Parierais-tu sur l’État belge dans les prochaines années ?

Jérôme Nossent : C'est un avis très personnel et pas du tout politologique parce que je n'ai pas les clefs en main. Je crois que ça reflète ma personnalité, étant d'un naturel assez casanier et très peu enclin au changement, j'ai tendance à projeter ce sentiment là sur l'État. Je n’ai pas l'impression que les choses ont beaucoup bougé ces derniers temps et par conséquent j'aurais tendance à dire que ça ne va pas bouger, mais je ne peux pas être catégorique non plus. J'ai aussi conscience que la situation internationale, le contexte mondial, le réchauffement climatique et la crise migratoire, sont autant de paramètres qui vont influencer potentiellement des changements, mais je n’ai pas cette capacité de projection.

Idéalement, où te vois-tu dans dix ans ?

Jérôme Nossent : Vivant [rires].

 

L’entretien a été réalisé par Vincent Aerts.

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